L’enseignant et technicien émérite du travail analyse les ressorts et l’impact socio-économique des activités des migrants dans divers secteurs.

Comment expliquez-vous cette tendance à recruter «spécialement» des migrants dans les chantiers de constructions des immeubles à Yaoundé et partout ailleurs au Cameroun ?

L’apport professionnel des immigrés sert à pallier les insuffisances de capacité des travailleurs locaux ; on va le dire ainsi. C’est grâce à leur «docilité», à leur capacité d’adaptation et à leur vigueur qu’ils ont leur place. Des caractéristiques liées à l’effort physique et à l’intensité du travail sont aussi fréquemment mentionnées. Les aptitudes professionnelles viennent modifier, plus ou moins suivant la nationalité, la discipline et le rendement du travailleur.

À Ékié où les immeubles sortent de terre chaque jour, la présence de travailleurs migrants est attestée sans discontinuité depuis au moins une décennie. Alors, comment interpréter ce recours à une main-d’œuvre migrante, en particulier dans le gros œuvre ? Il faut dire que les promoteurs de chantiers ou les gestionnaires de ces chantiers tirent avantage de leurs coûts sociaux avantageux au cours des travaux. Simplement et c’est bien dommage, ils constituent un vivier de main d’œuvre bon marché.

Oui mais pourquoi sont-ils si nombreux dans le bâtiment ?Selon les critères d’aujourd’hui, le bâtiment n’est pas un secteur où la présence «étrangère» s’impose. On les retrouve aussi dans les mines, la métallurgie. Cela signifie qu’au Cameroun, dans ces secteurs, en plus du bâtiment bien sûr, la part des étrangers, hommes et femmes confondus, atteint 1,7 % selon une étude réalisée par un think tank apparenté au BIT en 2019.

Doit-on craindre pour le « pain » des locaux ?
Ne nous préoccupons pas de la concurrence faite par les ouvriers étrangers aux nôtres, du point de vue économique. À mon avis, ne craignons pas d’envisager une solution très libérale et d’accorder aux émigrés la plupart des avantages que nos lois sociales garantissent. Nous avons intérêt à ce que de bons éléments, tels que les représentent les Centrafricains, Tchadiens et autres, tant au point de vue physique qu’au point de vue moral, viennent se fondre dans notre société. Le but devient ainsi d’observer dans le détail, la variété et l’hétérogénéité de ces espaces productifs multiculturels que sont les chantiers. C’est aussi cela l’intégration par le travail.

Interview réalisée par Jean, René Meva’a Amougou