Il était une fois, les états généraux
Les premiers états généraux sur le fonctionnement des Institutions Communautaires de la CEMAC se sont tenus à Libreville (République Gabonaise) du 30 août au 1er septembre 2022. Une grande première sur le thème: «Consolidation des acquis et perspectives». L’objectif étant de «faire le point, à travers des thématiques identifiées, en rapport avec le fonctionnement actuel des Institutions de la Communauté quinze (15) ans après la mise en place du Programme des Réformes Institutionnelles (PRI) de la CEMAC». Six sessions, allant de l’architecture institutionnelle jusqu’à la gestion des ressources humaines et la politique sociale au sein de la Communauté, en passant par la problématique du financement, les défis des réformes institutionnels et la gouvernance au sein des institutions communautaires.
Tous les premiers responsables des institutions de la Communauté, comme un seul Homme, ont animé avec enthousiasme les trois jours de travaux. À la grande satisfaction des initiateurs de ce raout intellectuel. «J’ai énormément appris de ces états généraux», confesse le patron de la Commission de la CEMAC. Pour lui, «l’esprit Libreville» marquera à jamais la CEMAC. Un nouveau départ qui s’inspirera de l’inédit brainstorming de la capitale gabonaise. Que la belle promesse des fleurs porte de bons fruits, pour «une Communauté riche, forte et porteuse d’espérance pour les peuples de notre sous-région», comme voulu par les chefs d’Etat de la CEMAC.
Les participants aux assises de Libreville ont vidé leur sac de récriminations sur le fonctionnement de la Communauté. Tout y est passé sans tabou, parfois avec des propos acides risquant de tourner au vinaigre.
«Conjuguons notre rôle d’agitateur d’idées pour que les états généraux qui nous réunissent ici et à partir d’aujourd’hui restent dans les mémoires comme l’un des plus importants catalyseurs de l’envol de notre projet d’intégration. Je souhaiterais terminer en réaffirmant les convictions et espoirs sus exprimés, en vous invitant avec humilité à garder à l’esprit que la construction communautaire est un processus irréversible, en réitérant que la volonté des plus hautes autorités de la CEMAC est toujours plus forte d’étape en étape, constituant pour nous un encouragement. Bons travaux, soyons libres, exigeants et déterminés». Cette sortie du Pr Daniel Ona Ondo, pendant l’ouverture des travaux de la capitale gabonaise, fixe l’esprit et la règle de jeu des états généraux de la Communauté. Et, il faut le dire, le Président de la Commission de la CEMAC ne se l’est pas fait dire deux fois.
La parole s’est libérée de partout et sur tout. Le plus grand procès porte sur l’impécuniosité criarde et chronique de l’Union économique d’Afrique centrale (UEAC) dans son ensemble. Tout le contraire de l’Union monétaire d’Afrique centrale (UMAC) dont le fonctionnement et les moyens financiers font languir. À l’arrivée, il y a une Commission de la CEMAC à deux vitesses. «Un corps avec un pied riche et un pied pauvre». L’UEAC, parent pauvre de la Commission de la CEMAC, peine depuis sa naissance à boucler ses fins de mois et à joindre les deux bouts.
La faute en premier aux États-membres qui ne reversent pas systématiquement la Taxe communautaire d’intégration (TCI). De fait, le principal poste de recette de la Commission rapporte à peine 30 % de ses prévisions budgétaires chaque année. Ce qui a pour conséquence le dérèglement complet de la machine et son fonctionnement. À la clé, un pilotage à vue à tous les niveaux du management, une perception erronée par le grand public du rôle et des missions des institutions communautaires, des querelles intestines à n’en plus finir, des prestataires et des fournisseurs non payés, une dette sociale aux relents de bombe sociale…
Aussi, une étude conduite par le Cabinet Performance parle d’institutions budgétivores à la CEMAC. Suffisant pour délier davantage les langues. Certains questionnent la présence des instituts de formation dans le giron de la Commission. «Ne devrait-on pas envisager de s’en séparer afin de réduire les charges et se concentrer uniquement à nos missions essentielles?», a-t-on entendu. Cette thèse est battue en brèche par les responsables des Instituts et écoles de formation. Pour eux, la CEMAC doit aller plus loin en créant par exemple son université avec tous ces instituts de formation à transformer en centres d’excellence.
Quadrature du siècle
L’équation de l’équilibre budgétaire dans un contexte de rareté des ressources. C’est bien le ventre mou des réflexions de Libreville. Les griefs entendus sont davantage des revendications d’allocations budgétaires, parfois jugées insuffisantes et non honorées dans les délais permettant l’efficacité. Les suggestions vont toujours dans le sens de l’augmentation de l’enveloppe budgétaires. Mais, dans la plupart des cas, point d’arrêt sur les recettes à générer pour couvrir les charges. Et remonte en surface la redéfinition des feuilles de mission et de route des principaux responsables appelés aux affaires. Sans denier sa valeur intrinsèque et sa compétence professionnelle, le premier responsable d’une institution communautaire doit désormais s’impliquer activement à la mobilisation des ressources nécessaires à la Communauté.
L’état d’esprit doit donc évoluer. 20 milliards de FCFA de coupes budgétaires par le conseil des ministres de l’UEAC pour l’exercice 2022, et personne n’a rien dit. Appel syndical ou dénonciation de ressources humaines en service? Que non. «La CEMAC est utile. Elle a montré sa vitalité. Elle est faite d’Hommes compétents», indique son président de Commission. Daniel Ona Ondo évacue les peurs et les craintes de ses collaborateurs: «l’intégration est l’avenir pour notre sous-région. La rationalisation est un processus irréversible. On doit s’y préparer. Les réformes ne doivent pas faire peur». Et de conclure: «Nous n’avons pas voulu faire la terre brûlée. Nous avons posé notre pierre. Les autres vont poursuivre. Le développement comme l’intégration, c’est un processus».
TNO
États généraux
Quid des jours d’après
La feuille de route de la mise en œuvre.
Les participants aux états généraux ont élaboré sur la suite à donner à cette rencontre historique. Voici leur recommandation spéciale: «Au vu de la volonté politique de rationaliser les Institutions spécialisées et Agences d’exécution, et au vu du ralentissement des activités dues aux impacts du COVID (difficultés de mobilisation des ressources TCI), et considérant la décision de nos chefs d’États de créer une seule Commission en lieu et place de la CEEAC et CEMAC, Nous, réunis autour des états généraux de nos Institutions, recommandons: qu’il soit accordé aux Institutions communautaires une période de deux (2) ans de transition prévue sur le schéma de la rationalisation des CER (CEEAC/CEMAC) afin de finaliser les réponses entreprises en interne et faciliter ainsi à la nouvelle Commission de recevoir des outils fiables à son développement».
Cette proposition retiendra-t-elle l’attention des plus hautes autorités de la sous-région? La question se posera lorsque Daniel Ona Ondo aura acheminé la quintessence des recommandations au Conseil des ministres de l’UEAC. Qui à son tour soumettra le document aux chefs d’Etat. Une chose est sûre, toutes les recommandations (voir ci-contre) ne peuvent pas être retenues a prévenu le Président sortant de la Commission. «Un groupe de travail se chargera de faire la synthèse et de retenir ce qui va être porté à la haute hiérarchie». On subodore qu’il s’agira des recommandations fortes requérant nécessairement la sanction des ministres ou des chefs d’Etat.
Les autres recommandations pourraient se mettre en œuvre par les premiers responsables des institutions communautaires, sous la bienveillante attention de la Commission. Tous comptes faits, et en attendant les validations aux différents niveaux de hiérarchie, la balle est dans le camp de chaque participant pour que plane l’esprit de Libreville partout où besoin sera. Car, «En dehors de l’intégration, point de salut pour nos États et pour notre sous-région… La Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale continue de se construire. Et aujourd’hui, il s’agit d’aller plus loin et plus en avant dans son processus d’intégration. Alors nous devons nous donner tous les moyens possibles pour réaliser la volonté clairement affirmée et réaffirmée par nos chefs d’Etat», dixit le Premier ministre du Gabon, S.E Rose Christiane Ossouka, au cours de l’ouverture des états généraux.
TNO
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